Nicola Sirkis en concert avec le groupe Indochine au Grand-Quevilly, le 6 octobre 2009.
Avant une tournée qui débutait le 6 octobre et qui affiche déjà quasi complet, dont un concert au Stade de France (le 26 juin 2010) Indochine sera le premier groupe français à remplir, son chanteur Nicola Sirkis, 50 ans, revient pour Le Monde sur la carrière d'un groupe phare des années 1980, donné fini dans les années 1990, avant de renaître de façon spectaculaire dans les années 2000. Sorti en mars, leur album La République des Météors s'est vendu à plus de 400 000 exemplaires.
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Qu'est-ce qui vous a décidés à jouer au Stade de France ?
L'idée est venue pendant la précédente tournée. Même si l'album de l'époque, Alice & June, s'est vendu moitié moins (500 000 exemplaires tout de même) que le précédent, Paradize, nous avons triplé les dates de concert et les ventes de billets. Je me suis dit que notre public méritait cette enceinte. Nous voulons vraiment en faire quelque chose de spécial, avec des invités et surtout des prix accessibles (de 40 à 60 euros).
Vous souvenez-vous de votre premier concert ?
Le 29 septembre 1981 au Rose Bonbon, le club parisien où il fallait se faire remarquer. Le 5 août, j'avais été incorporé pour le service militaire, il fallait trouver un moyen pour en sortir avant le concert. Je me suis bourré de Tranxène jusqu'à tomber dans les pommes. Une fois réanimé, on m'a dit de retourner à la vie civile. Comme nous n'avions pas assez de titres, nous avons composé très vite quelques nouveaux morceaux, dont L'aventurier, notre premier tube.
Entre vos premiers succès et votre réussite aujourd'hui, vous avez connu une longue traversée du désert.
Mais je suis plus fier de disques comme Le Baiser ou Un jour dans notre vie, que nous avons enregistrés dans les années 1990, quand ça commençait à moins bien marcher, que de certaines choses des années 1980. Nous avons fait des bêtises à nos débuts, en acceptant toutes les formes de promotion. Quand une nouvelle génération de groupes revendicatifs, comme Bérurier noir ou Noir désir, ont déboulé, nous étions les symboles de ce qu'il fallait dégager.
Comment s'est opéré votre retour ?
Les choses ont commencé à changer dans la seconde moitié des années 1990, avec le succès de groupes anglais comme Blur ou Suède, qui assumaient un héritage pop. On a vu arriver une nouvelle génération à nos concerts. Puis, il y a eu des rencontres déterminantes comme celle du guitariste Oli de Sat, à la fois fan d'Indochine et de groupes sombres comme Nine Inch Nails, qui nous a donné un son plus dur, plus sale. Le groupe a connu trois périodes : celle avec le guitariste et compositeur Dominique Nicolas, jusqu'en 1995 ; celle où j'ai dirigé le groupe avec mon frère Stéphane, jusqu'à sa mort en 1999 ; puis celle avec Oli.
Vous semblez susciter autant de ferveur que de détestation.
J'ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi il y avait autant de haine, de jalousie, même dans ma propre famille. J'ai la réputation d'être un emmerdeur, mais comme dit Luc Besson : "On est casse-couilles avec les gens qui travaillent mal." Les fans ont toujours été là. Indochine leur doit tout. Même s'il est difficile de porter toutes ces attentes. Quelles réponses apporter à une jeune fille anorexique, à une mère qui vous supplie d'aider sa fille dépressive ?
A 50 ans, l'adolescence reste un de vos thèmes centraux. Un fonds de commerce ?
Un ami m'a dit que j'écrivais toujours la même chanson. C'est vrai que je traîne mes angoisses d'ado encore aujourd'hui. J'ai aussi l'impression que mon écriture évolue. Le thème du dernier album m'a d'abord été inspiré par la lettre de rupture que Sophie Dalle présentait à la Biennale de Venise en 2007, puis par des lettres envoyées du front par de jeunes soldats de la guerre de 1914. Doit-on appeler ça un fonds de commerce ?
Comment jugez-vous l'effondrement du marché du disque ?
Les maisons de disques se sont autodétruites en misant sur le tout-marketing et en créant des émissions comme la "Star Ac'", qui prennent les gens pour des imbéciles. Il y a eu des erreurs de communication, avec des campagnes où des millionnaires du disque, comme Johnny Hallyday, disaient : "Ne nous téléchargez pas illégalement." En ce moment, en une semaine, nous vendons 10 000 billets de concert et 2 000 albums, pour 65 000 tentatives de téléchargement illégal. Mais je suis contre la loi Hadopi. Ce ne sont pas les internautes qu'il faut condamner, mais les fournisseurs d'accès qu'il faut faire payer.
http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/10/07/nicola-sirkis-pourquoi-y-a-t-il-eu-tant-de-haine-contre-indochine_1250576_3246.html#xtor=RSS-3208