
dimanche, 22 mars 2009 12:26
Mise à jour le dimanche, 22 mars 2009 16:21
À leurs débuts, les gars d'Indochine avaient tout de l'étoile filante. Comment penser qu'un groupe français faisant du rock et dont la première bombe (L'Aventurier) était un hommage à Bob Morane allait durer. Et pourtant, malgré les départs volontaires et les tragédies, Indochine dure et perdure.
«Écoute, je ne pense pas qu'il y aura un prochain disque. Après celui-ci, j'ai vraiment l'impression d'avoir tout dit. Ça fait plus d'un quart de siècle... Je ne veux pas présumer de la suite, mais ceci est peut-être notre dernière tournée.»
Cette déclaration, Nicola Sirkis l'avait livrée à l'auteur de ces lignes avant le passage d'Indochine pour un doublé incendiaire au Métropolis, lors des FrancoFolies de 2006. Le disque d'alors, c'était, bien sûr, le gargantuesque Alice & June, album double percutant qui avait propulsé Indochine à un niveau de popularité similaire à son sommet des années 1980.
Vu qu'on se souvenait de cette déclaration, quoi donc de plus normal de la rappeler à Sirkis alors qu'on converse avec lui pour la sortie de La République des météors, le nouvel album du groupe culte français qui approche désormais les trois décennies de carrière ?
«C'est vrai, j'avais bien dit ça, confirme Sirkis dans un grand éclat de rire qui résonne longtemps au bout du fil. Remarque, je pourrais dire ça pour presque tous nos albums, mais c'était particulièrement vrai pour celui-là. Alice & June était un album généreux qui nous avait vidés, mais la tournée qui a suivi a été révélatrice. Non seulement on a eu autant de plaisir qu'avant – on a toujours du plaisir sur scène –, mais on a retrouvé un statut auprès du public qui s'approchait du culte.»
Partis de rien
Bref, si Sirkis admet que le désir de retourner en studio y était d'emblée, la tournée avait encore une fois vidé le groupe, mais pas qu'au plan physique.
«Complètement vidés, confirme-t-il. Nous n'avions aucune idée de la direction qu'on allait prendre, contrairement à Paradize et Alice & June dont la ligne directrice était définie même avant qu'on entre en studio. Là, c'était pas loin du néant, et ce n'était pas une mauvaise chose. Il n'y avait pas d'angoisse par rapport aux chansons. C'était: Advienne que pourra. C'est bien d'être un outsider. C'est bien de ne pas être sûr... Et puis, si on ne prend pas de risque, on n'a rien.»
C'est donc un passage de Sirkis à l'exposition de Sophie Calle à la biennale de Venise qui se veut le déclic. Cette dernière avait demandé à une centaine de femmes de lire l'une de ses lettres de rupture. Sirkis a repris l'idée à son compte, s'inspirant de lettres et de textes fort lointains, allant jusqu'à puiser dans la correspondance de soldats de la guerre de la période 1914-1918. Il y a d'ailleurs plusieurs références aux conflits armés dans La République des météors.
«Que ça soit des écrits du genre, la fleur au fusil, ou plus dialectiques, il y avait quelque chose de profond là-dedans. Quand tu lis ça, tu réalises que ces gens-là obéissaient à l'ordre établi, mais qu'ils n'étaient pas dupes. Ce fut une génération sacrifiée.
«Cette thématique d'absence, de séparation, de rupture, on l'a retrouvée souvent dans les compositions d'Indochine», admet Sirkis, quand on lui fait remarquer que le nouveau disque est bien moins dense et bien moins sombre que ne le fut Alice & June, au point de repérer des influences des années 1980 qui avaient pratiquement disparu de la musique du groupe au 21e siècle.
«Notre république, dit-il, en faisant référence au disque, c'est celle de toutes nos influences, quelles soient sociales ou politiques. Nous sommes tous des météores. On laisse tous une trace quelque part. Qu'il y ait un petit fond d'Indochine des années 1980, c'est très bien, quoique je sois plus fier de nos albums d'aujourd'hui que dans le temps...»
Il faut noter que les disques d'Indochine d'antan misaient plus sur des tas d'extraits atomiques (Dizzidence Politik, 3 Nuits par semaine, Tes Yeux Noirs, 3e sexe, Canary Bay, Les Tzars, Des fleurs pour Salinger) que sur des albums concepts, à quelques exceptions près.
«Dans le temps, on faisait un disque, c'était spontané et il y avait une bonne part d'inconscient, confirme Sirkis. Chacun de nos albums était un moment de vie.»
La République des météors, d'Indochine, est maintenant disponible au Québec. Photo courtoisie
30 bougies
Et nombre d'entre eux ont touché la vie des gens. Si Sirkis refusait d'envisager une célébration des 30 ans d'Indochine lors du passage du 25e anniversaire, cette fois, il opte pour une approche différente. Le 26 juin 2010, Indochine s'offrira rien de moins que le Stade de France pour célébrer 30 ans de musique, un peu avant la date anniversaire, puisque le groupe est officiellement né en 1981. Dans la francophonie d'Europe, seuls Johnny Hallyday et Mylène Farmer se sont payé le luxe du stade des Bleus.
«On fait le stade avec une capacité de 65 000 places et il n'en reste que 5 000 à vendre, admet Sirkis, un peu éberlué de l'accueil du public, et notant au passage qu'une présence au Québec en 2009 n'est pas exclue. J'admets que notre politique de prix (60 euros) nous aide, mais c'est quand même renversant. Quand je regarde les mails que les fans nous envoient, je réalise à quel point on les a touchés au cours des ans. Il y a aussi le fait qu'on s'est fait de nouveaux fans au cours de la dernière décennie qui n'étaient pas là aux débuts.»
Remarquable réalisation, au final, de ce groupe qui aura survécu au départ de son principal auteur-compositeur (Dominique Nicolas) en 1994 et au décès de Stéphane Sirkis, des suites d'une foudroyante hépatite il y a dix ans. C'est un peu pour cela que Nicola Sirkis n'a aucune idée où il sera dans dix ans, lui qui a encore l'air d'un adolescent attardé à l'aube de ses 50 ans (22 juin 2009).
«La seule chose que je puis prédire, c'est que je vais faire la sieste l'après-midi du 27 juin 2010 (rires). Pour le reste, ça sera comme c'est le cas depuis très longtemps. Un jour à la fois.»
Mise à jour le dimanche, 22 mars 2009 16:21
À leurs débuts, les gars d'Indochine avaient tout de l'étoile filante. Comment penser qu'un groupe français faisant du rock et dont la première bombe (L'Aventurier) était un hommage à Bob Morane allait durer. Et pourtant, malgré les départs volontaires et les tragédies, Indochine dure et perdure.
«Écoute, je ne pense pas qu'il y aura un prochain disque. Après celui-ci, j'ai vraiment l'impression d'avoir tout dit. Ça fait plus d'un quart de siècle... Je ne veux pas présumer de la suite, mais ceci est peut-être notre dernière tournée.»
Cette déclaration, Nicola Sirkis l'avait livrée à l'auteur de ces lignes avant le passage d'Indochine pour un doublé incendiaire au Métropolis, lors des FrancoFolies de 2006. Le disque d'alors, c'était, bien sûr, le gargantuesque Alice & June, album double percutant qui avait propulsé Indochine à un niveau de popularité similaire à son sommet des années 1980.
Vu qu'on se souvenait de cette déclaration, quoi donc de plus normal de la rappeler à Sirkis alors qu'on converse avec lui pour la sortie de La République des météors, le nouvel album du groupe culte français qui approche désormais les trois décennies de carrière ?
«C'est vrai, j'avais bien dit ça, confirme Sirkis dans un grand éclat de rire qui résonne longtemps au bout du fil. Remarque, je pourrais dire ça pour presque tous nos albums, mais c'était particulièrement vrai pour celui-là. Alice & June était un album généreux qui nous avait vidés, mais la tournée qui a suivi a été révélatrice. Non seulement on a eu autant de plaisir qu'avant – on a toujours du plaisir sur scène –, mais on a retrouvé un statut auprès du public qui s'approchait du culte.»
Partis de rien
Bref, si Sirkis admet que le désir de retourner en studio y était d'emblée, la tournée avait encore une fois vidé le groupe, mais pas qu'au plan physique.
«Complètement vidés, confirme-t-il. Nous n'avions aucune idée de la direction qu'on allait prendre, contrairement à Paradize et Alice & June dont la ligne directrice était définie même avant qu'on entre en studio. Là, c'était pas loin du néant, et ce n'était pas une mauvaise chose. Il n'y avait pas d'angoisse par rapport aux chansons. C'était: Advienne que pourra. C'est bien d'être un outsider. C'est bien de ne pas être sûr... Et puis, si on ne prend pas de risque, on n'a rien.»
C'est donc un passage de Sirkis à l'exposition de Sophie Calle à la biennale de Venise qui se veut le déclic. Cette dernière avait demandé à une centaine de femmes de lire l'une de ses lettres de rupture. Sirkis a repris l'idée à son compte, s'inspirant de lettres et de textes fort lointains, allant jusqu'à puiser dans la correspondance de soldats de la guerre de la période 1914-1918. Il y a d'ailleurs plusieurs références aux conflits armés dans La République des météors.
«Que ça soit des écrits du genre, la fleur au fusil, ou plus dialectiques, il y avait quelque chose de profond là-dedans. Quand tu lis ça, tu réalises que ces gens-là obéissaient à l'ordre établi, mais qu'ils n'étaient pas dupes. Ce fut une génération sacrifiée.
«Cette thématique d'absence, de séparation, de rupture, on l'a retrouvée souvent dans les compositions d'Indochine», admet Sirkis, quand on lui fait remarquer que le nouveau disque est bien moins dense et bien moins sombre que ne le fut Alice & June, au point de repérer des influences des années 1980 qui avaient pratiquement disparu de la musique du groupe au 21e siècle.
«Notre république, dit-il, en faisant référence au disque, c'est celle de toutes nos influences, quelles soient sociales ou politiques. Nous sommes tous des météores. On laisse tous une trace quelque part. Qu'il y ait un petit fond d'Indochine des années 1980, c'est très bien, quoique je sois plus fier de nos albums d'aujourd'hui que dans le temps...»
Il faut noter que les disques d'Indochine d'antan misaient plus sur des tas d'extraits atomiques (Dizzidence Politik, 3 Nuits par semaine, Tes Yeux Noirs, 3e sexe, Canary Bay, Les Tzars, Des fleurs pour Salinger) que sur des albums concepts, à quelques exceptions près.
«Dans le temps, on faisait un disque, c'était spontané et il y avait une bonne part d'inconscient, confirme Sirkis. Chacun de nos albums était un moment de vie.»
La République des météors, d'Indochine, est maintenant disponible au Québec. Photo courtoisie
30 bougies
Et nombre d'entre eux ont touché la vie des gens. Si Sirkis refusait d'envisager une célébration des 30 ans d'Indochine lors du passage du 25e anniversaire, cette fois, il opte pour une approche différente. Le 26 juin 2010, Indochine s'offrira rien de moins que le Stade de France pour célébrer 30 ans de musique, un peu avant la date anniversaire, puisque le groupe est officiellement né en 1981. Dans la francophonie d'Europe, seuls Johnny Hallyday et Mylène Farmer se sont payé le luxe du stade des Bleus.
«On fait le stade avec une capacité de 65 000 places et il n'en reste que 5 000 à vendre, admet Sirkis, un peu éberlué de l'accueil du public, et notant au passage qu'une présence au Québec en 2009 n'est pas exclue. J'admets que notre politique de prix (60 euros) nous aide, mais c'est quand même renversant. Quand je regarde les mails que les fans nous envoient, je réalise à quel point on les a touchés au cours des ans. Il y a aussi le fait qu'on s'est fait de nouveaux fans au cours de la dernière décennie qui n'étaient pas là aux débuts.»
Remarquable réalisation, au final, de ce groupe qui aura survécu au départ de son principal auteur-compositeur (Dominique Nicolas) en 1994 et au décès de Stéphane Sirkis, des suites d'une foudroyante hépatite il y a dix ans. C'est un peu pour cela que Nicola Sirkis n'a aucune idée où il sera dans dix ans, lui qui a encore l'air d'un adolescent attardé à l'aube de ses 50 ans (22 juin 2009).
«La seule chose que je puis prédire, c'est que je vais faire la sieste l'après-midi du 27 juin 2010 (rires). Pour le reste, ça sera comme c'est le cas depuis très longtemps. Un jour à la fois.»