
Le plus controversé et culte des groupes français sort son onzième album, La république des meteors, accompagné à partir d'octobre d'une tournée quasi sold-out dans l'Hexagone et d'une date pour le Stade de France le 26 juin 2010. Indochine est de retour et risque de faire du bruit.
Extrêmement rares sont les groupes aux débuts underground et à l'intérêt aléatoire à déchaîner autant de passion près de trente ans après leur formation. Pourtant, et même si le succès n'a pas toujours suivi (durant la totalité des années 90), Indochine a traversé les décennies avec une ligne de conduite artistique exemplaire : au-delà d'être passé par la pop-rockabilly (L'aventurier), la new-wave (Le péril jaune), le rock synthétique des Cure (7000 danses), le rock traditionnel (Un jour dans notre vie), la panoplie fantomatique d'un David Bowie et la pop psychédélique (Wax), le rock gothique (le sublime Dancetaria, pièce maîtresse du groupe), et par un rock industriel novateur et exigeant (Paradize), la bande à Nicola Sirkis peut se vanter d'une publication de disques régulière habituellement agrémentée d'une tournée, affichant complet partout quoi qu'il advienne.
Résolument surprenant et percutant dans tous les domaines, La république des meteors est un disque hors norme, riche, qui ravira les fans et qui énervera sûrement toujours autant les autres, pour peu qu'ils prennent la peine d'écouter et surtout de comprendre le tout sans idées reçues. Majoritairement bâclés sur Alice & June, les textes de ce nouveau cru transcendent par ce que Nicola Sirkis sait faire de mieux : le double sens évasif noyé dans la poésie. L'Indochine de Wax, Un jour dans notre vie et Dancetaria est (enfin) de retour ! Si le concept de la guerre apparaît souvent de manière explicite, il en masque surtout le message global du conflit, sous toutes les métaphores possibles (Republika, Go Rimbaud go, Union war, Junior song), point d'orgue sur Little Dolls, qui symboliserait autant l'alliance de deux ennemis que l'éloignement d'un couple, dont la jeunesse est morte avec la guerre.
Afin de mettre en œuvre toute l'ambiguïté requise, Nicola Sirkis semble délibérément utiliser un champ lexical précis : hussard, maréchal, roi, reine, camarade, soldat, et avec parcimonie et pudeur, l'image de Dieu n'éclairant plus aucune utopie. Ces mots ne sont pas choisis au hasard puisque exprimant l'esprit de communauté et non, pour une fois, d'individualisme. Et c'est là que contrairement aux apparences, Indochine livre finalement son premier grand message d'espoir, de solidarité, en invoquant au rassemblement des troupes. Dans cet esprit, il n'est plus étonnant de constater que les duos vocaux ne s'opèrent qu'avec des personnalités féminines (Suzanne de Pravda et Gwen de Madinkà). La guerre n'est jamais finie, mais souvent oubliée : les hommes redoublent de solidarité (et d'humanité) seulement en période de crise paroxysmale.
En second plan, La république des meteors se savoure telle une rétrospective aboutie d'une carrière marginale et inimitable, celle d'Indochine, paradoxalement peu connue par le public, à l'exception de standards (3e sexe, L'aventurier, J'ai demandé à la lune) ne démontrant aucunement le potentiel du groupe. Ici, tout s'y mentionne : la new wave et les clins d'œil asiatiques du début des années 80 (Je t'aime tant, l'intro de Little Dolls, le final de Republika), la jeunesse de Wax (Play boy, Junior song), l'obscurité et les mélodies de Dancetaria (Le lac, Un ange à ma table, Bye bye Valentine), l'ultime adieu au rock industriel de Paradize (le noisy Go, Rimbaud go !). Le tout agrémenté d'une pop rétro, mélangée au ukulélé, au piano, aux cordes et à l'accordéon (Le grand soir, Union war, La lettre de métal), et de l'ovni flirtant avec l'électroclash Les aubes sont mortes, écrit par Chloé Delaume. Fourmilière de tubes au sens le plus noble du terme (Le dernier jour, final à double tranchant mais victorieux), cet album est un évènement majeur et, disons-le, complètement inattendu tant une évolution musicale logique après Paradize et Alice & June ne présageait rien de bien croustillant... Parmi les bonus du deuxième cd, remarquons Mexicane syndicate aux accents irlandais, rafraîchissants, évoquant de manière assez directe un problème social plus que jamais d'actualité, ainsi que la reprise glam et sexy de Dead or alive, You spin me round, dansante à souhait, et surtout We are the young, hymne désabusé par excellence sous des allures de Morphine.
Dans l'ensemble, une seule ombre au tableau : un L World franchement simplet sur les paroles, donnant à la musique (pourtant réussie) un côté juvénile vite agaçant ; un j-rock comme tout droit sorti d'un manga. On pourrait également stipuler que l'emploi étonnamment hors sujet du mot « sexe » dans La lettre de métal, témoignage poignant d'un père absent à son fils (voué à grandir malgré tout), parait plutôt incongru...
Permettons-nous de contredire Nicola Sirkis, qui aura présenté le nouvel opus de son groupe comme plus tourné vers la pop et l'électro ; il n'en est finalement pas grand-chose. Indochine, c'est du rock, aux influences multiples. Mais du rock qui se moque complètement d'être précédé d'une quelconque étiquette pour faire classe au pays des bobos. Et puis, en trente ans de carrière, Indochine n'a plus rien à prouver, et encore moins sa crédibilité : cette pluie de météorites en marque bien la preuve.
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En savoir +
Indochine, La république des meteors, 16 titres + 1 caché, chez Jive
Extrêmement rares sont les groupes aux débuts underground et à l'intérêt aléatoire à déchaîner autant de passion près de trente ans après leur formation. Pourtant, et même si le succès n'a pas toujours suivi (durant la totalité des années 90), Indochine a traversé les décennies avec une ligne de conduite artistique exemplaire : au-delà d'être passé par la pop-rockabilly (L'aventurier), la new-wave (Le péril jaune), le rock synthétique des Cure (7000 danses), le rock traditionnel (Un jour dans notre vie), la panoplie fantomatique d'un David Bowie et la pop psychédélique (Wax), le rock gothique (le sublime Dancetaria, pièce maîtresse du groupe), et par un rock industriel novateur et exigeant (Paradize), la bande à Nicola Sirkis peut se vanter d'une publication de disques régulière habituellement agrémentée d'une tournée, affichant complet partout quoi qu'il advienne.
Résolument surprenant et percutant dans tous les domaines, La république des meteors est un disque hors norme, riche, qui ravira les fans et qui énervera sûrement toujours autant les autres, pour peu qu'ils prennent la peine d'écouter et surtout de comprendre le tout sans idées reçues. Majoritairement bâclés sur Alice & June, les textes de ce nouveau cru transcendent par ce que Nicola Sirkis sait faire de mieux : le double sens évasif noyé dans la poésie. L'Indochine de Wax, Un jour dans notre vie et Dancetaria est (enfin) de retour ! Si le concept de la guerre apparaît souvent de manière explicite, il en masque surtout le message global du conflit, sous toutes les métaphores possibles (Republika, Go Rimbaud go, Union war, Junior song), point d'orgue sur Little Dolls, qui symboliserait autant l'alliance de deux ennemis que l'éloignement d'un couple, dont la jeunesse est morte avec la guerre.
Afin de mettre en œuvre toute l'ambiguïté requise, Nicola Sirkis semble délibérément utiliser un champ lexical précis : hussard, maréchal, roi, reine, camarade, soldat, et avec parcimonie et pudeur, l'image de Dieu n'éclairant plus aucune utopie. Ces mots ne sont pas choisis au hasard puisque exprimant l'esprit de communauté et non, pour une fois, d'individualisme. Et c'est là que contrairement aux apparences, Indochine livre finalement son premier grand message d'espoir, de solidarité, en invoquant au rassemblement des troupes. Dans cet esprit, il n'est plus étonnant de constater que les duos vocaux ne s'opèrent qu'avec des personnalités féminines (Suzanne de Pravda et Gwen de Madinkà). La guerre n'est jamais finie, mais souvent oubliée : les hommes redoublent de solidarité (et d'humanité) seulement en période de crise paroxysmale.
En second plan, La république des meteors se savoure telle une rétrospective aboutie d'une carrière marginale et inimitable, celle d'Indochine, paradoxalement peu connue par le public, à l'exception de standards (3e sexe, L'aventurier, J'ai demandé à la lune) ne démontrant aucunement le potentiel du groupe. Ici, tout s'y mentionne : la new wave et les clins d'œil asiatiques du début des années 80 (Je t'aime tant, l'intro de Little Dolls, le final de Republika), la jeunesse de Wax (Play boy, Junior song), l'obscurité et les mélodies de Dancetaria (Le lac, Un ange à ma table, Bye bye Valentine), l'ultime adieu au rock industriel de Paradize (le noisy Go, Rimbaud go !). Le tout agrémenté d'une pop rétro, mélangée au ukulélé, au piano, aux cordes et à l'accordéon (Le grand soir, Union war, La lettre de métal), et de l'ovni flirtant avec l'électroclash Les aubes sont mortes, écrit par Chloé Delaume. Fourmilière de tubes au sens le plus noble du terme (Le dernier jour, final à double tranchant mais victorieux), cet album est un évènement majeur et, disons-le, complètement inattendu tant une évolution musicale logique après Paradize et Alice & June ne présageait rien de bien croustillant... Parmi les bonus du deuxième cd, remarquons Mexicane syndicate aux accents irlandais, rafraîchissants, évoquant de manière assez directe un problème social plus que jamais d'actualité, ainsi que la reprise glam et sexy de Dead or alive, You spin me round, dansante à souhait, et surtout We are the young, hymne désabusé par excellence sous des allures de Morphine.
Dans l'ensemble, une seule ombre au tableau : un L World franchement simplet sur les paroles, donnant à la musique (pourtant réussie) un côté juvénile vite agaçant ; un j-rock comme tout droit sorti d'un manga. On pourrait également stipuler que l'emploi étonnamment hors sujet du mot « sexe » dans La lettre de métal, témoignage poignant d'un père absent à son fils (voué à grandir malgré tout), parait plutôt incongru...
Permettons-nous de contredire Nicola Sirkis, qui aura présenté le nouvel opus de son groupe comme plus tourné vers la pop et l'électro ; il n'en est finalement pas grand-chose. Indochine, c'est du rock, aux influences multiples. Mais du rock qui se moque complètement d'être précédé d'une quelconque étiquette pour faire classe au pays des bobos. Et puis, en trente ans de carrière, Indochine n'a plus rien à prouver, et encore moins sa crédibilité : cette pluie de météorites en marque bien la preuve.
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Indochine, La république des meteors, 16 titres + 1 caché, chez Jive